Limites Numériques #1

Bonjour à toutes et tous,

Voici donc le premier numéro de la newsletter Limites Numériques. Si vous voulez un petit mot de présentation ça se passe par ici. On teste un peu le format donc n’hésitez pas à nous faire des retours ☺️

C’est parti !

Innovation

  • L’ordinateur réparable et modulaire frame.work propose d’acheter sa carte mère seule et la met en open source pour permettre la création de divers projets.
  • À Vivatech, Dell a présenté son Luna, un concept de laptop ultra réparable : design modulaire, carte mère avec de la fibre de lin et une colle hydrosoluble pour changer plus facilement les composants etc.
  • Meta revient sur quelques choix de conception d’Instagram Lite, une version allégée de l’application (un design pour de plus petits écrans, moins de mémoire vive, consomme moins de données…). En revanche l’ambition n’est malheureusement pas vraiment écologique mais plutôt de développer le marché dans les pays en voie de développement. D’ailleurs l’appli n’est pas encore vraiment disponible en France.

Régulation

  • L’Union Européenne s’accorde pour obliger le chargeur universel sur les smartphones tablettes et casques dès 2024. Puis 2026 pour les ordinateurs. La mesure permettrait d’économiser 10 000 tonnes de déchets.
  • L’une des nombreuses implications du DMA (pour Digital Market Act, une nouvelle législation européenne visant les grands entreprises du numérique) est de mettre fin aux restrictions d’Apple concernant les navigateurs web sur iOS. En effet Apple limite ses concurrents à utiliser le moteur de rendu de la marque, utilisé pour Safari. Si bien que si vous téléchargez autre chose, ce ne sont plus ou moins que des copies de Safari. Cette limite empêche aujourd’hui ses concurrents de proposer des alternatives différenciantes (comme un navigateur plus léger ?). Avec le DMA, interdisant aux entreprises d’utiliser leur position dominante pour imposer l’utilisation de leur services, il se pourrait qu’Apple doit revoir sa stratégie sur son iOS. À suivre donc.
  • L’État de New-York fait passer une loi qui transforme la réparation des objets électroniques en droit.

Papier de recherche

  • Cet article [En] s’intéresse au concept de suffisance numérique et propose une matrice d’actions en 4 dimensions :
    • Suffisance du matériel pour réduire le nombre d’appareils (conception modulaire, appareils plus petits, utilisation partagée entre perso et travail etc)
    • Suffisance du logiciel pour réduire le trafic et les capacités de calculs et de stockage (Énergie minimale, des infrastructures en veille pendant les faibles taux d’utilisation, limitation de la vitesse de connexion sans fil etc)
    • Suffisance d’usage pour réduire l’utilisation des appareils par les utilisateurs (comment acheter seulement ce dont on a besoin en capacité, taille, volume etc)
    • Suffisance économique où les gains permis par les technologies devraient permettre une réduction des heures de travail par exemple.

Pratique(s)

  • Un article d’Octo qui mesure la perception de l’obsolescence de l’internaute visitant un service trop lourd. Mesurer l’obsolescence perçue d’un·e internaute permettrait de s’assurer que l’expérience utilisateur soit suffisante pour que cela ne soit pas une tentation supplémentaire pour l’internaute de changer de machines prématurément. Autrement dit, même si le site est lourd, comment le concevoir de telle manière qu’il ne soit pas perçu comme lourd et incite l’internaute à vouloir renouveler ses équipements.

Idées et réflexions

  • Les pics de chaleur mettent à mal la résistance du matériel des datacenters, sans oublier que leur consommation en eau par exemple, participe au stress hydrique d’un territoire. Comment pourrait-on créer des usages de consommation web “de saison” (cf cette idée) ? Un plug-in web ou un paramètre corrélé aux pics de chaleur réduisant l’utilisation de données ou bloquant certaines fonctionnalités en ligne pendant les grosses canicules, et limiter ainsi le recours au refroidissement (eau, électricité, fluides frigorigènes) et/ou le renouvellement du matériel pour des serveurs plus résistants.
  • Jason Farman auteur notamment de “Delayed Response: The Art of Waiting from the Ancient to the Instant World”, discute de l’attente et de la perception du temps dans nos interactions avec les dispositifs numériques (voir aussi cette conférence) :

Lorsque le Xerox Star, l’un des premiers ordinateurs commerciaux en réseau, est sorti en 1981, il permit aux gens de faire des choses à une vitesse qu’ils n’avaient jamais pu atteindre auparavant. “Pourtant, cela ne faisait pas partie des sentiments ou des perceptions des gens. Ils avaient simplement l’impression d’aller très lentement, même si, si vous comparez avec ce que vous auriez dû faire sans le Star, c’était nettement plus rapide”, me disait Brad A. Myers, professeur d’informatique. Le sentiment dominant des gens à propos de cet ordinateur était qu’il mettait une éternité à se charger. Il mettait une éternité à échanger des fichiers. Il mettait une éternité à échanger des messages. Il prenait une éternité, même s’il était plus rapide que tout ce qui avait été fait auparavant.

  • Ce laptop permettait d’ajouter ou enlever de la mémoire directement depuis le clavier.
  • Cet article [en] d’Evgeny Morozov revient sur la capacité du techno-capitalisme à transférer les coûts (économiques et environnementaux) des services numériques ailleurs. Un ressentis des coûts qui sont transférés soit à d’autres, soit payés par les générations futures. Les Google et Facebook ont réussi à convertir les données des utilisateurs en subventions implicites qui couvrent les coûts non négligeable de leur service. On paye sans payer. Ce transfert nous oblige à croire que ces services et technologies ne sont alors que progrès. En ne présumant pas des coûts, nous n’avons pas besoin de se soucier de créer des alternatives au système en place. Pour l’auteur, le véritable enjeu pour réorienter nos technologies numériques serait d’en expliciter les coûts. Enjeu qui résonne évidemment chez nous avec la question de la perception des coûts environnementaux dans les interfaces elles-mêmes.Lorsque les coûts réels de son fonctionnement sont conçus ailleurs, pour être ressentis par d’autres ou beaucoup plus tard, il n’est pas étonnant que le capitalisme apparaisse comme un système bienveillant.
  • L’atelier vélo comme exemple d’espace de réparation et de sociabilité. Mais est ce que ce modèle s’applique à d’autres objets techniques plus complexes ? Est ce que ce type de modèles ne cache pas d’autres formes et d’autres espaces plus négligés ? [en]Dans les ateliers vélo, le goût pour les objets s’épanouit à partir des restes de la société de consommation. Lorsqu’on entre pour la première fois dans un de ces ateliers, on découvre des centaines de pièces et de vélos récupérés, des draisiennes, des tricycles, des vélos à cocktail, des vélos géants, sans compter les outils. Depuis le début du XXe siècle, la production et la consommation de vélos sont telles qu’il est possible de se déplacer au quotidien sans jamais acheter de vélo neuf, en récupérant et en bricolant les vélos existants.

L’actu du projet Limites Numériques

Tout se met en place ! Patience nous allons bientôt commencer à publier quelques travaux. Notamment un travail d’enquête sur les paramètres de quelques applications mobiles et comment ceux-ci peuvent jouer directement ou indirectement sur l’impact écologique du smartphone.

En attendant on vous présente Léa Mosesso, designer en stage qui nous rejoint sur le projet. Elle est designer d’interactions et étudiante dans un master pluridisciplinaire qui forme à la redirection écologique. Pendant son stage, elle mènera des entretiens pour mieux comprendre la part logicielle dans le remplacement des appareils numériques. Le but étant de récolter des informations sur les facteurs d’obsolescence, mais aussi les stratégies de prolongement de la vie des appareils.

Voici également quelques photos d’une intervention de Thomas à la ferme et tiers-lieux paysan la Martinière sur la thématique de la matérialité du numérique et territoire. Nous y testions un format particulier de conférence, où les données sur l’impact du numérique sont accompagnées par des visualisations physiques (en lego, déchets électroniques, pèse-personne…) pour mieux appréhender les ordres de grandeur. Les participant·es sont aussi invités à déconstruire en même temps quelques équipements numériques.

Datavisualisations concernant la taille de différents contenus (image, mail ou 1h de Netflix), la part de l’impact d’un smartphone lié à sa fabrication, le taux de concentration de certains minerais etc.

Évènements à venir

  • SICT 2022 : Une école doctorale du 29/08 au 02/09 à Grenoble pour réfléchir au rôle des technologies de l’information et de la communication dans l’Anthropocène et un monde post-croissance.

Merci de nous avoir lu !

L’équipe Limites Numériques.